Le hasard fait bien les choses... quoique. [PV Meryl]

Courses de noël. Pour la majeure partie des étudiants de Poudlard issus de familles "complètes", c'était une tâche incommensurable. Une tâche qui prenait du temps, de l'énergie, et pas mal d'argent... C'était aussi le cas d'Abigail, mais sous un angle bien différent. Du temps, elle en prenait uniquement pour réfléchir à ce qu'elle allait offrir à William. De l'énergie, seulement parce qu'elle le faisait toujours au dernier moment, c'est à dire dans la précipitation. Et de l'argent et bien... ma foi, de toute manière elle n'en avait jamais eu beaucoup à dépenser. Par certains aspects les courses de noël de cette année ressemblaient exactement aux autres. Il aurait d'ailleurs été plus approprié de dire "sa" course de noël. Un seul cadeau à faire, peut-être deux au grand maximum, mais toujours pour la même personne. Son frère lui avait souvent répété qu'elle pouvait penser à ses amis pour noël au lieu de s'occuper de lui. Tout cela pour des questions, d'argent. C'était fou tout ce que quelques malheureuses noises pouvaient apporter dans la vie de tous les jours... Oh bien sûr, il y avait aussi l'amour et tout le pataquès d'émotions qui filaient bon train à cette époque... mais l'Amour n'apportait même pas le piètre matériel nécessaire à la confection d’un cadeau fait maison.

A l'heure actuelle des choses, Abigail stationnait devant la porte des Trois Balais, dans le froid et la neige hivernale. Tout passant aurait trouvé cette attitude plutôt étrange: que pouvait donc bien faire une jeune fille par ce froid, aussi immobile et peu couverte ? Elle ôta fébrilement l'un de ses gants, frissonnant sous la morsure du vent. Ses doigts pâles mis à nus plongèrent aussitôt dans la poche de son jean, en tâtant le fond avec empressement. Un soupire de soulagement plus tard, l'étudiante en extirpa le reste de sa monnaie et se mit à la compter soigneusement: il y avait... tout juste de quoi se payer une seule et unique bière au beurre. Cependant, avec le froid qu'il faisait, elle n'allait pas cracher dessus même si ça signifiait être complètement fauchée ensuite. Elle rajusta son sac sur son épaule, prenant bien soin de ne pas en bringuebaler le contenu.

*Pourvu que ça plaise à William...*

Abigail poussa vivement la porte des Trois Balais, et fut immédiatement engloutie par le volume sonore impressionnant qui y régnait. Et ça buvait, et sa criait, et sa papotait de choses et d'autres... il y avait même des gamins qui courraient dans tous les sens, filant entre les jambes de la belle Mademoidelle Rosemerta au plateau surchargé de boissons. L'ambiance était surchauffée, presque étouffante.

"J'ai bien choisi mon jour, tiens !", maugréa t-elle tout bas.

La jeune serdaigle parcouru la salle du regard. C'était complet, blindé, surchargé, sur peuplé, sur... en overdose totale de personnalités extravagantes, dirons-nous. Et pas une seule table vide en vue. Ni aucune chaise disponible, d'ailleurs. S'avançant avec précaution vers le centre de la pièce, Abigail finit tout de même par repérer un espace qui semblait produire son propre oxygène. Enfin, simple façon de dire que personne ne s'en approchait. C'était une petite table de bois grossier, dressée dans un coin près d'une fenêtre embuée... et encadrée de banquettes moelleuses. Dès le premier regard, l'adolescente trouva étrange que personne ne s'en soit accaparé. Et ce n'est qu'après s'y être installée et avoir commandé sa bière au beurre (après forte patience) qu'elle comprit pourquoi: en face d'elle, contre la vitre, se tenait un homme enveloppé dans une épaisse cape de voyage. A cause du contre-jour, elle ne l'avait pas remarqué de suite, mais il n'avait probablement pas bougé d'un pouce depuis son arrivée. Peut-être était-il entrain de dormir ? Toujours est-il qu'elle lui trouva un air vaguement familier. C'était juste une impression, assez fugace, mais plus elle regardait son visage, plus elle avait l'impression de reconnaître ses traits... la jeune fille détourna cependant bien vite les yeux, et les reporta sur la chope agréablement chaude qu'elle tenait entre ses mains. Que l’inconnu ait pris conscience ou non de sa présence, William lui avait souvent répété qu'il ne fallait pas dévisager les gens (jusqu'à ce qu'il soit certain qu'elle l'ait imprimé). Ce n'était pas maintenant qu'elle irait à l'encontre de sa maigre éducation...

Une mission... Encore une. Un ordre en somme... L'obligation de faire quelque chose. Précisément ce que Meryl avait de plus en plus de mal à supporter. Jamais il n'avait été un adorateur de l'autorité mais il semblerait bien que plus il vieillissait et plus ce trait de caractère s'accentuait. L'envie d'être enfin autonome, maître de lui-même se renforçait en lui à chaque instant mais bien sûr, il ne disait rien. Du moins, pour le moment... Il ne tenait pas à s'attirer les foudres de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Il avait déjà vu la puissance qu'il possédait et de quoi il était capable, il ne voulait surtout pas que cela se retourne contre lui. Car même s'il était un sorcier relativement doué, il savait qu'il n'était pas à la hauteur.

Sa mission ce jour-là ? Aller cueillir des infos à Pré-Au-Lard et ramener un objet. Cet objet ? Peu importait du moment qu'il plaisait aux jeunes demoiselles. En effet, une fois ensorcelé, il servirait d'appât. Alors, pourquoi vouloir d'une sorcière sans expérience ? C'était une bonne question et Meryl n'y avait pas la réponse. Mais peu lui importait au fond, il ne voulait pas tout savoir des sombres projets de son ... "maître".

Après être passé dans plusieurs boutiques, l'ancien Serpentard s'était arrêté dans un magasin de Farces & Attrapes. L'endroit était bondé et c'était ce qui l'avait incité à entrer. S'il y avait tant de monde ici, c'était sans nul doute que tout ce qui se trouvait là attirait les jeunes personnes, y compris les filles. Il observa donc, en silence dans un coin, les choix des adolescents. Il en vit plusieurs choisir une petite boule transparente à l'allure bien peu attirante sur le coup mais qui, une fois qu'on l'avait en main, déployait des ailes d'ange aussi blanche que la neige qui tombait dehors et, à l'intérieur de celle-ci, se mettaient à voleter des petites particules dorées. C'était très ... "mignon", pile ce que Meryl détestait. Il était donc certain que ça plairait aux autres !
C'était donc parfait. Il en acheta trois pour être sûr que le sort fonctionne et aussi au cas où cela se casserait dans sa besace de fortune.

Une fois sortit du magasin, il sentit le froid lui glacer les os. Qu'est ce qu'il pouvait détester cette saison ! Il ne regretta pas d'avoir mis son épaisse cape de voyage à capuche, au moins, il pouvait s'emmitoufler dedans... Il resta quelques secondes dehors, debout dans la neige sans bouger. Il réfléchissait à ce qu'il allait faire maintenant. La partie "course aux infos" de sa mission n'était pas encore remplie et ce n'était pas franchement celle qui l'enchantait le plus mais il savait qu'il se devait de l'accomplir. Il poussa un profond soupire et se dirigea vers "Les Trois Balais". Il n'était pas fan de ce lieu : toujours trop de monde, trop de bruit. Lui qui était un solitaire préférait "La Tête de Sanglier" mais il était clair que ce ne serait pas là-bas qu'il trouverait ce qu'il cherchait.
Un nouveau soupire et il poussa la porte d'entrée. Il fut chaleureusement accueillit par un bonjour joyeux. Lui, de mauvaise humeur comme bien souvent se content d'un « mouai, c'est ça. Bonjour ! ». Certains parurent presque choqués d'une telle attitude mais personne ne lui dit rien. De toute façon, il ne leur en laissa pas le temps, allant s'installer directement à la seule table libre qui restait. Elle était dans un coin isolé, c'était parfait.
Une large table avec deux grandes banquètes. Il s'assied sur celle qui tournait le dos à la salle, contre la fenêtre. Là, il avait peu de chances d'être embêté et en plus, il pouvait écouter les conversations les plus proches sans être inquiété.

Il commanda un jus de citrouille parfumé à l'hydromel mais il commençait à râler intérieurement car Madame Rosemerta mettait un temps fou à le lui apporter. Mais encore une fois, il ne disait rien, ne voulant pas se faire remarquer et puis ... on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Mieux vaut être prudent dans ce monde !
Et il avait sans doute raison puisque sa tranquillité fut troublée par une demoiselle qui vint s'asseoir à sa table. Il ne bougea pas, la regardant à peine. Il était même peu probable qu'elle l'ait vu la regarder. Pourquoi venir s'asseoir à une table prise ? Ne l'avait-elle donc pas vu ? Il n'était pourtant pas invisible à ce point... Et enfin, elle sembla se rendre compte de sa bêtise mais ce n'est pas pour autant qu'elle bougea. Les sourcils froncés, Meryl se redressa, comme s'il venait de se réveiller et regarda la demoiselle un instant. Son visage... les traits de son visage ne lui étaient pas inconnus mais il ne voulait pas, il ne pouvait pas se rappeler à qui ils appartenaient. Gardant son air renfrogné, il dit alors :

« Euh ... je ne me rappelle pas vous avoir invitée à ma table ! »

Il plongea son regard d'un bleu intense dans celui de la demoiselle, attendant qu'elle daigne dire quelque chose à son tour...

Abigail sirotait tranquillement sa bière au beurre. Enfin, "tranquillement", c'était un doux euphémisme. Autour de sa -leur- table, l'agitation était telle que la jeune fille en vint à se demander comment l'inconnu avait pu s'endormir. D'autant plus qu'il ne bougeait pas... Enfin, à vrai dire, de là où elle se tenait elle ne pouvait même pas distinguer clairement ses traits. L'étudiante lui jeta quelques nouveaux coups d'œil à la dérobée. Son impression de "déjà-vu" et de malaise allait croissant à chaque regard lancé. Il y avait quelque chose de dérangeant en lui qui...

Abigail sursauta brusquement, manquant s'ébouillanter avec sa boisson alors qu'il se redressait. Peut-être dormait-il effectivement, mais la lueur dans son regard montrait une vivacité peu commune au réveil, alors qu'il s'adressait à elle sur le ton du paresseux dérangé. Sans compter que "l'animal" se montrait plutôt bougon. L'adolescente se demanda un instant s'il avait simulé le sommeil depuis tout ce temps. Puis, après mûres réfléxion, elle écarta l'interrogation: si c'était le cas, ça ne la regardait pas. Sauf que... peut-être qu'il l'observait en douce depuis le début ?! Peut-être que c'était... un pervers psychopathe ?! En même temps, elle s'était installé à sa table sans rien demander, ce qui avait de quoi justifier l'attitude peu aimable de l'homme à son encontre...

"Je suis désolée, lorsque je vous ai remarqué j'étais déjà installée. Et je doute fort que vous ayez voulu payer l'addition pour moi si j'avais changé de place."

Elle lui adressa un petit sourire d'excuse, alors qu'une lueur d'amusement perçait dans ses yeux d'un bleu profond. D'ailleurs, en parlant de regard... Son impression de familiarité s'accentua encore plus. Il y avait quelque chose qui clochait sérieusement dans cette situation. Mais, quoi ? Au bout d'un cours instant, Abigail n'y tint plus. Elle s'humecta les lèvres, gênée, avant de lui demander sur un ton marquant son incertitude:

"Excusez-moi de vous demandez ça mais... est-ce qu'on ne s'est pas déjà vu quelque part ?" La jeune demoiselle fixa à son tour les prunelles de l'inconnu avec une curiosité mêlée d'inquiétude à peine voilée, avant de se reprendre: "Ah désolé, ce ne sont pas des questions qui se posent, je crois. Surtout que vu la différence d'âge et à moins que vous ne soyez du personnel de Poudlard, il y a peu de chance qu'on se soit déjà parlé. Encore pardon. J'ai juste dû confondre avec quelqu'un que j'ai croisé... dans la rue peut-être ? Non, je ne sais pas..."

Inconsciemment, Abi' savait que cette situation n'était pas banale, que quelque chose lui échappait sans qu'elle puisse mettre le doigt dessus. D'autant plus qu'une petite alarme d'avertissement s'était déclenchée dans sa tête. Et que son instinct la trompait rarement. Mieux valait finir vite fait sa bière au beurre, payer (bien sûr) et vider les lieux aussi rapidement. Pourtant, l'individu ne semblait pas dangereux... et puis, ses pupilles... Finissant par se résoudre à suivre son instinct, Abigail porta sa chope à ses lèvres...

"Outch ! Trop chaud..." Avec un nouveau rictus joyeux en guise d'excuse, la jeune serdaigle sentit le besoin de se justifier: "Moi qui voulais vous laisser "place libre" le plus rapidement possible, je crois que je vais devoir attendre un peu..."

Derrière l'homme, la fenêtre embuée laissait voir de gros flocons qui venaient, poussés par un vent de plus en plus fort, s'écraser lourdement sur toute sa surface. Il devait faire un froid vraiment horrible, dehors. Et, à vrai dire, l'indécision dont Abigail faisait preuve était aussi liée à son manque d'envie d'aller se geler les fesses, quand il faisait une chaleur aussi étouffante là où elle se trouvait: c'était un coup à rendre l'âme ! Son regard se porta à nouveau sur le visage un peu plus éclairé de l'inconnu. Son sourire toujours présent se figea brutalement. Une lueur de compréhension et de stupéfaction étincela furtivement dans ses prunelles azures...

*Ses yeux... ils... c'est... ?*

"Excusez-moi... vous m'avez dit que vous vous appeliez comment... déjà... ?

Ses pupilles étaient... semblables aux siennes.

La demoiselle mit un petit moment avant de répondre à la légère attaque de Meryl. Cela eut pour effet d'accentuer la colère qui était perpétuellement en lui. La question n'était pourtant pas bien compliquée. Et voilà qu'elle donna enfin une réponse mais celle-ci n'était pas vraiment des plus agréables à entendre pour le sorcier. Ainsi donc, il était de ceux que l'on ne remarque pas ? Sympathique cette demoiselle dites donc ! Le jeune homme ne se démonta bien sûr pas et répondit aussitôt :

« Je ne pense pas que Madame Rosemerta soit assez sadique pour faire payer un client qui change simplement de place ! Si vous partiez de ma table avec votre boisson, rien ne changeait à la donne de départ. »

Il n'appréciait que moyennement les regards qu'elle lui lançait. Des regards insistants, semblant rechercher au plus profond de lui ce qui s'y trouvait. Ce regard qu'il avait déjà vu maintes et maintes fois voilà des années. Un regard qu'il avait oublié et ne voulait plus jamais revoir : le regard de sa mère...
Était-il donc possible que cette jeune femme soit celle qu'il croit ? Et si oui, pourquoi avait-il fallu qu'elle vienne s'installer précisément ici ? Meryl avait mis tant de temps à oublier cette vie, à tout faire pour ça, il n'était pas logique que son passé ressurgisse de la sorte. Ce n'était pas humain...
Cela dit, pas sûr de lui à cent pour cent, il ne dit rien, ne suggéra rien non plus de la découverte qu'il venait de faire mais voilà, la demoiselle ... Abigaïl s'il ne se trompait pas ... s'en chargea. Elle demanda en effet s'ils ne s'étaient pas déjà vu. Bougonnant dans son coin, Meryl ne sut quoi répondre sur le coup et heureusement, bavarde comme pas possible, la jolie brune poursuivit.

« C'est ça, on s'est sans doute croisé dans la rue ! » conclu-t-il, l'air toujours aussi mauvais.

Il ne voulait pas ou plutôt il ne fallait pas qu'elle se rappelle, qu'elle sache qui il était. Ce serait le compromettre et rendre sa tâche bien plus difficile. Déjà qu'il n'était pas heureux de faire ce genre de mission, si en plus on lui mettait des bâtons dans les roues...

Le verre de Meryl lui fut apporter ainsi que l'addition au moment même où la jeune femme mettait sa propre chope à ses lèvres, se brûlant. Le commentaire qu'elle fit alors arracha un soupire au sorcier. Et bien soit, il n'aurait pas le choix, elle resterait là encore un petit moment. Il se redressa face à son verre, se concentrant sur celui-ci pour faire comprendre à son interlocutrice qu'il n'était pas apte à entamer de vraie conversation avec elle. D'autant plus qu'à cause de tout son blabla inutile, il n'entendait rien des autres conversations et ne remplissait donc pas une part de sa mission. S'il avait des soucis à cause d'elle, il s'en rappellerait...

Et voilà qu'elle recommençait à parler. Décidément, jamais elle ne se taisait ? Un nouveau soupire s'empara de Meryl qui n'écouta que d'une oreille distraite les paroles de la demoiselle. Mais bien entendu, il entendait tout de même ce qu'elle disait et sa question lui paru stupide. S'adossant à nouveau à la fenêtre, il répondit :

« Je ne vous ai rien dit du tout. »

Il n'avait pas l'intention de lui répondre même s'il savait que sa réponse mettrait les points sur les i quant à ses interrogations. Cela dit, curieux de nature et d'autant plus vu la situation, il ajouta :

« Mais dites-moi... En quoi cela peut-il donc vous intéresser ? »

Il laissa planer un silence, pencher vers elle à présent, son regard planter droit dans celui de la jeune femme.